Jocelyn Torres, doctorante en anthropologie, Université York
Je suis doctorante au département d'anthropologie de l'Université York. Je suis une Salvadorienne née au Canada et mes parents sont fui·es pendant la guerre civile salvadorienne. J’ai une licence en sciences de l’Université de Toronto, avec une spécialisation en études sur la santé mentale et une mineure en anthropologie. J’ai ensuite complété ma maîtrise en anthropologie à l’Université de Toronto.
Ma recherche porte sur El Salvador où, deux ans après l’instauration de l’état d’exception par le gouvernement de Bukele, plus de 76 000 personnes ont été arrêtées ou détenues. Ces détentions ont entraîné une baisse significative du taux d'homicides dans le pays et ont fondamentalement modifié le sentiment de sécurité de nombreuses personnes, qui peuvent désormais se déplacer librement dans des communautés autrefois contrôlées par des gangs.
Sur la base de ce nouveau sentiment de sécurité, les graffitis et les espaces urbains ont réapparu dû aux «Oportunidades » [Opportunités], il s’agît de la Phase II du Plan Territorial de Control [Plan de contrôle du territoire], une stratégie de sécurité qui œuvre à reconstruire « le tissu social du pays ». Mes recherches explorent les interconnexions entre la sécurité, l'espace urbain et les droits humains à San Salvador, où le président Nayib Bukele a investi dans le street art urbain, en particulier les graffitis.
J’accorde une attention particulière à la spatialisation de la sécurité, des droits humains et du discours populiste, ainsi qu’à la reproduction d’une panique morale autour des gangs qui sert à justifier l’autoritarisme populiste et la suspension des droits. L’un des principaux axes de mon projet est l’affirmation de Bukele selon laquelle El Salvador « est officiellement le pays le plus sûr de toute l’Amérique latine ».
Alors que les autorités commettent des violations des droits humains, notamment des arrestations arbitraires, des disparitions forcées et des mauvais traitements en détention, mon projet demande : qui est en sécurité au Salvador de Bukele ? Mon projet examine le rôle que jouent les graffitis dans le renforcement de cette revendication et du sentiment de sécurité acquis grâce à l'état d'exception.