Gabriela Miranda, étudiante de la maîtrise en études hispaniques, Université Western

Je suis salvadorienne et titulaire d'une licence en droit à l'Université centraméricaine José Simeón Cañas au Salvador. Actuellement, je poursuis un master en études hispaniques à l'université Western. Tout au long de ma carrière universitaire et professionnelle, j'ai toujours travaillé au nom des victimes de crimes dans le domaine du droit pénal et des crimes d'atrocité en masse dans lesquels les victimes ont souffert de violations des droits humains. Dans le cadre de mes études de master, mon travail de recherche porte sur la manière dont les personnes survivantes ou les victimes de la guerre civile au Salvador abordent la question de la justice réparatrice dans un contexte d'après-guerre.

Il est bien connu que pendant le conflit armé au Salvador (1980-1992), les forces armées et le FMLN ont commis de graves violations des droits humains. Les cas les plus connus sont le massacre d'El Mozote en 1981 et l'assassinat des prêtres jésuites en 1989, mais les auteurs de ces crimes n'ont jamais été poursuivis (Moreno, 2017). Au contraire, en 1993, l’Assemblée législative du Salvador a adopté une loi d'amnistie qui a introduit des politiques  du "pardon", du silence et de l’oubli des réparations pour les victimes, ce qui a interdit le processus de justice réparatrice (Castillo, 2018).

C'est dans ce contexte de "justice réparatrice inefficace" qu'est née la conception de ma recherche, axée sur le concept de justice du point de vue des personnes survivantes dans le cadre du projet Mémoire Survivante. Ce projet utilise des méthodologies décoloniales et participatives dans le but de mener des initiatives de recherche dirigées par la communauté à propos des histoires orales concernant un travail de mémoire historique dans les rubriques de la justice, de l'art, de la musique et du théâtre, de l'éducation intergénérationnelle, de la documentation et des témoignages, de la santé mentale, de la guérison, de la commémoration, de la réparation environnementale et de la reconstruction de l'économie locale.

Bien que le concept de justice soit pris en compte dans le plan du projet, la question de la justice réparatrice n'a pas encore fait l'objet d'une attention particulière. Mon intention est de faire le premier pas, en concevant une approche du travail de mémoire historique dans le cadre de la justice réparatrice. Pour cela, j'interrogerai les principales personnes dirigeantes de la communauté des survivant·es, et de même j’organiserai des ateliers de consultation   avec les actrices et acteurs de la communauté (y compris les membres du comité des jeunes et du comité des femmes de Mémoire Survivante). 

Dans ce sens, j'inviterai les participant·es à réfléchir à leur compréhension de la justice réparatrice et à la manière dont ils ont abordé le processus de  réconciliation, le préjudice et la réparation après le conflit armé au Salvador. En outre, j’aimerais mettre l’accent sur ce que la communauté des persones survivantes considèrent des priorités pour reussir à ressentir un sentiment de réparation.

De même, je considère aussi les approches de recherche fondées sur l'art pour étudier, notamment, le processus de justice réparatrice à travers le "théâtre de l'opprimé", car celui-ci permet de comprendre la justice réparatrice comme une façon d'expression différente pour affronter le passé et réimaginer l'avenir (Johnstone, Van Ness, 2007). De là, je ferai une analyse de cas sur la façon dont les performances artistiques, dramatiques et créatives –qui sont des manifestations de guérison issues du projet Mémoire Survivante– ont eu un effet réparateur sur la communauté survivante de la guerre.

J'espère que les résultats de ma recherche (y compris la consultation et l'analyse de la performance du projet) collaborent à produire des directrices pour des études futures menés par d'autres chercheur·euses du projet. Ceci pourrait être utile en particulier pour aborder les questions de justice réparatrice dans des futurs ateliers et dans les discussions avec la communauté plus large des personnes survivantes.

Retour à Travail sur le terrain des stagiaires